Séricourt : la « 4e dimension » du jardin
La visite des Jardins de Séricourt rappelle que les végétaux « d'ornement » et le paysage n'ont pas seulement une fonction esthétique. Ils peuvent être porteurs de bien-être, de sens... Dans le Pas-de-Calais, Yves Gosse de Gorre, créateur des lieux, a choisi de jouer sur la symbolique.
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Situé au coeur du Ternois, dans le Pas-de-Calais, les Jardins de Séricourt emmènent le visiteur dans une série d'espaces paysagers surprenants, imaginés par les architectes paysagistes Yves Gosse de Gorre et son fils Guillaume. Sur 4,5 hectares, ils mêlent géométrie à la française et romantisme à l'anglaise, ordre et désordre, structure et fantaisie. Mais surtout, chaque « chambre végétale » évoque un symbole. D'un côté, un jardin confronté aux contraintes de gestion « habituelles » – entretien, soins, rentabilité... –, de l'autre un autre regard sur le paysage...
Un jardin « beau et ludique »
« Je ne souhaitais pas un “jardin fleuri” », précise Yves Gosse de Gorre, qui a exclu de ses plans le « parc public » avec ses massifs de fleurs et gazons protégés sans s'interdire pour autant la couleur, introduite avec plus de 1 000 rosiers.
Le paysagiste n'aime rien tant que voir des enfants, d'abord contraints à la visite, ressortir ravis de leur promenade. « Sans qu'il devienne un parc d'attraction, un jardin doit être accessible aux plus jeunes. L'aspect ludique est tout aussi important que l'esthétisme (...) J'aime présenter les choses d'une autre façon que botanique. »
Les jardins de Séricourt titillent l'imagination des visiteurs à travers le jeu des représentations : la dictature, symbolisée par un Catalpa recouvrant des petits buis ; la luxure, par des formes « fessues » ; une armée de soldats sous forme d'ifs taillés et liés ; des Thuya globosa rappelant des masques guerriers ; une mer d'herbes hautes bordée de buis taillés en rochers... Avec des tôles de hangar, Yves Gosse de Gorre a créé ses « Processionnaires », évoquant pour les unes des femmes en burqa, pour les autres des plaques de chocolat... Dans l'« Allée de l'infini », le passage est bloqué, pour justement éveiller l'intérêt.
Du jardin privé aux collectivités
Depuis 2010, en partenariat avec le centre de formation Hortibat, Yves Gosse de Gorre et son fils proposent des formations à Séricourt pour les collectivités et les particuliers. Parmi les thèmes traités, la taille, considérée comme « un apprentissage indispensable » : « Les arbres dans les petites communes sont encore taillés trop sévèrement ». À Séricourt, il n'y a pas de taille-haie électrique, uniquement des cisailles. Autre enseignement : ne pas planter n'importe quoi n'importe où : « Il y a les critères esthétiques, mais aussi les aspects pratiques et agronomiques à prendre en compte. » Le contenu des formations proposées par les deux hommes renvoient à leur façon de gérer le parc, en respectant l'environnement, sans se priver des solutions chimiques quand elles s'avèrent nécessaires. Gestion différenciée, paillage, rotofil, binage, compostage, plantation d'arbustes à baies pour les oiseaux... sont pratiques courantes. Sur les 7 salariés multifonction (bureau d'études et entreprise de paysage, jardin et pépinière), 2,5 ETP entretiennent le parc. Yves Gosse de Gorre n'hésite pas à laisser la place à certaines plantes sauvages, comme les Lychnis et les ficaires qui offrent un beau couvert au printemps. « Il ne me viendrait pas à l'esprit de traiter contre les pucerons », continue le paysagiste, qui s'est rendu compte que la régulation par les prédateurs s'effectuait naturellement. Les rosiers trop souvent malades sont remplacés par des rosiers plus résistants. Quant au gazon, « c'est un élément du jardin qui doit rester propre, sinon nous ne sommes pas crédibles en tant que Jardin remarquable », fait-il valoir. L'entretien passe donc par du désherbant gazon (en été) et de la cyanamide de chaux pour désinfecter et enrichir le gazon. Quant aux insecticides, ils sont utilisés en cas de risque réel de disparition de la plante. Depuis le printemps 2011, le paysagiste est confronté à la maladie du buis due à Cylindrocladium buxicola. « Nous avons tenté de traiter avec la bouillie bordelaise, mais sans succès. Nous allons essayer d'autres solutions. » Chalara fraxinea est une autre maladie à laquelle doit faire face le parc, depuis deux ans : un frêne a dû être abattu.
Valérie Vidril
SymboliqueLe paysagiste a largement joué sur la thématique guerrière. Ici, cratères et bosses évoquent des trous de projectiles.
EsthétiqueDans ce « Bois des ombres », la bande blanche peinte sur les troncs des arbres accentue l'effet de profondeur.
LudiqueLe jardin se veut beau et ludique, ouvert aux passionnés autant qu'aux néophytes, aux enfants autant qu'aux adultes.
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